COVID 19 : Comment prendre en compte l’impact de la pandémie dans la présentation des Etats financiers ?

La pandémie qui fait la une de toutes les actualités quotidiennes depuis Décembre 2019 n’a pas fini de faire parler d’elle. Elle n’épargne personne. Elle n’oublie aucun secteur. Elle ne cesse de jouer des tours aux plus avisés.

Dans la foule d’informations qui circulent sur les réseaux sociaux, presses privées comme publiques, s’il y a une chose qui ne peut être démenti, c’est l’impact de cette crise sur la vie des entreprises.

Dans un article de jeune Afrique datant de juin 2020 titré « Coronavirus : quel impact sur les entreprises ouest-africaines ? », on peut lire les statistiques suivantes :

  • Secteur des services : «  arrêt quasi-total des activités de tourisme (100 %), d’hôtellerie (95 %), de restauration (95 %) et d’agence de voyage (95 %) ». Baisse de plus de 50 % du chiffre d’affaires attendu
  • Commerce et l’industrie : Baisse de 25% du Chiffre d’affaires attendu.

Il va de soi que fasse à une telle incertitude, les utilisateurs de l’information financière, notamment les actionnaires et les régulateurs sont beaucoup plus avides de détails et de précisions sur les données comptables des sociétés afin de savoir anticiper suffisamment sur tout risque de Continuité d’exploitation.

Une question reste donc posée. Comment présenter les Etats financiers de façon à faire ressortir l’impact de cette pandémie sur les performances financières des sociétés en vue de satisfaire les besoins des utilisateurs de l’information financière?

Faut-il modifier la présentation des Etats financiers primaires ?

L’impact de la pandémie se traduira forcement par une diminution ou augmentation selon les cas, des postes des Etats financiers primaires (Bilan, compte de résultat, TFT, tableau de variation des capitaux propres).

Exemples: Quasiment toutes les entreprises ont vu leur dépense en Voyage et déplacement baisser en 2020, du fait des restrictions de voyage imposées par les gouvernements pour faire face à la Pandémie ; Au même moment, les Frais de communication ont fortement augmentés du fait de l’utilisation des outils de communication à distance pour les réunions. Le chiffre d’affaires de la plupart des sociétés (surtout celles appartenant aux secteurs les plus touchés) a baissé. L’industrie pharmaceutique par contre a vu son chiffre d’affaires augmenter, etc.

L’une des préoccupations majeures des utilisateurs des Etats financiers est de savoir identifier sans ambigüité l’impact de la crise sur les agrégats clés de leur société. Il est donc évident que la présentation de cet impact variera d’une société à une autre en fonction de leur secteur et des réalités propres à leur industrie. La capacité des entreprises à faire une évaluation fiable de cet impact déterminera aussi la présentation à en faire dans les états financiers.

Comptes établis suivant le Syscohada

De notre point de vue, il ne sera pas possible de créer de nouveaux postes ou sous postes en lecture directe au niveau des Etats financiers primaires. D’ailleurs, cela est interdit par le Syscohada qui impose un canevas de présentation des Etats financiers. Par contre, il est possible de créer des sous comptes permettant de voir spécifiquement dans la balance des lignes propres aux dépenses liées à la pandémie.

Exemple : Quand on prend le compte de résultat, on verra toujours le poste Services Extérieurs. Mais dans le lot des comptes de la BG que regroupe ce poste, on peut retrouver un compte spécifique dédié aux dépenses induites par la pandémie. Tant que ce compte n’est pas en lecture directe au niveau des Etats financiers, cela ne pose aucun problème. Ce traitement a l’avantage par contre de faciliter, par la suite, l’analyse quantitative de l’impact de la pandémie à une date donnée.

Illustration :

Poste SyscohadaCompte SyscohadaSous-compte spécifique COVID
RH – Services Extérieurs  
628: Frais de télécommunications 
 6288001: Frais de communication COVID

Ces charges spécifiques ne devraient-elles pas être considérées comme étant « Hors activité ordinaires (HAO) » ?

Le résultat hors activité ordinaire est prévu pour présenter séparément les charges et produits liés à des activités inhabituelles. Il est lié à des changements significatifs de structure ou de stratégie de l’entreprise, aux cessions et changements importants dans l’environnement de l’entreprise.

Au regard de cette définition, les opérations induites par la pandémie ne peuvent pas être enregistrées en HAO tant qu’on ne peut démontrer l’existence des facteurs énumérés ci-dessus.

Dans la plupart des cas, ces facteurs risquent d’être inexistants. C’est le lieu ici de faire la distinction entre le HAO et l’exceptionnel. Le Syscohada précise clairement qu’une charge ou un produit d’un niveau exceptionnellement élevé reste inscrit dans les activités Ordinaires.

Ainsi donc, une entreprise pharmaceutique qui voit son chiffre d’affaires multiplier par deux du fait de la pandémie ne portera pas la moitié de cette performance en résultat HAO car l’activité sous-jacente demeure la même ; seule la performance s’est avérée inhabituelle. Le niveau significativement élevé ou bas de cet agrégat devra plutôt faire l’objet d’une information dans les notes annexes avec précision des conséquences que cela entraine pour la société.

Par contre, si la société s’est retrouvée dans l’obligation de vendre une immobilisation du fait des pertes techniques résultant de la non exploitation optimale de l’actif, alors, les produits de cette vente seraient considérés comme étant exceptionnels, car l’activité ou la transaction qui a généré le produit ici est inhabituelle.

Comptes établis suivant les normes IFRS

La question posée par cet article est d’autant plus pertinente en IFRS que la norme IAS 1 offre la possibilité de présenter les Etats financiers soit par fonction (Coûts d’achat des matières premières, coût de production, coût de distribution, etc..), soit par nature (Charges du personnel, Amortissements, etc..) sans imposer de canevas.

Aussi, le paragraphe 97 de la norme permet suivant le jugement de présenter des transactions significatives touchant au résultat de l’exercice, soit dans le compte de résultat, soit dans les notes annexes.

Cette flexibilité qu’offrent les IFRS donne la possibilité d’intégrer des lignes COVID en lecture directe aux Etats financiers dès lors que ces charges ou produits sont directement rattachables à la pandémie.  Toutefois, il faut préciser que contrairement au Syscohada, la notion de HAO n’existe pas. Toutefois, une entité peut décider de présenter une ligne de résultat exceptionnel dans ses comptes. Elle devra dans ce cas, à notre avis, expliquer cette notion dans les notes annexes. Aussi, le libellé dans les comptes devra être explicite. Exemple : « Coûts exceptionnels de communication liés à la COVID 19 ».

Exemple de charges ou produits rattachables sans ambiguïté à la COVID 19 :

  • Charges relatives au respect des mesures sanitaires imposées pour la protection du personnel (Cache-nez, gels hydro alcooliques, etc.)
  • Primes exceptionnelles versées au personnel ou au contraire diminution des salaires ou avantages en natures du fait de la pandémie
  • Report d’échéance obtenues avec pour impact un gel des intérêts et amortissements sur une période de 3 mois ou plus (comme ça a été le cas dans la zone UMOA).
  • Dégradation systématique de la notation des contreparties du fait de la pandémie avec pour impact une augmentation des pertes attendues (ECL).

Ces charges et/ou produits peuvent être présenter dans le compte de résultat comme illustré ci-dessous en IFRS.

Illustration 1

Postes (P/L)20XX
Charges du personnel (incluant primes temporaires versées au personnel pour raison de COVID pour 100)1000

Illustration 2

Postes (P/L)20XX
Charges du personnel1000
Primes temporaires versées au personnel pour raison de COVID100 
Autres charges du personnel900 

Exemple de charges à ne pas présenter dans les Etats financiers

  • Manque à gagner relative à l’inactivité de xx mois suite au confinement
  • Coût d’immobilisation des stocks suite à la mévente due à la pandémie
  • Etc…

Ces analyses sont utiles mais beaucoup plus pour justifier la non atteinte des objectifs budgétaires au Management. Elles n’ont donc pas  forcément leur place dans les Etats financiers publiables.

En conclusion, il serait possible selon les référentiels de présenter l’impact de la pandémie dans les Etats financiers primaires ou dans les notes annexes. Toutefois, il serait inconcevable qu’aucune information détaillée ne soit portée au minimum dans les notes annexes pour les besoins des utilisateurs des comptes. Une meilleure information (surtout pertinente) à l’avantage de permettre aux actionnaires de prendre leurs décisions d’affectation des résultats de l’exercice en toute connaissance de cause. Vous conviendrez avec moi que des dividendes ont pu être distribués à tort en 2021 faute d’informations sur l’impact actuel et projeté de la pandémie sur l’activité et les performances de l’entreprise. D’ailleurs, cela me permet de boucler en vous posant la question suivante : Pensez-vous que les sociétés devraient distribuer des dividendes en 2021 ?

Kodjo AKPATIGBE

Expert comptable diplômé

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Le COVID -19 comme Evènement postérieur à la clôture de l’exercice : Quel impact sur les comptes clos au 31 décembre 2019 ?

Le Syscohada révisé, en accord avec la norme IAS 10, distingue deux types d’évènements subséquents :

  • Ceux qui contribuent à confirmer des situations qui existaient à la fin de la clôture de l’exercice (évènements subséquents donnant lieu à des ajustements) ; et
  • Ceux qui indiquent des situations apparues postérieurement à la fin de la clôture de l’exercice (évènements subséquents ne donnant pas lieu à des ajustements).

COVID -19 : Quel type d’évènement subséquent ?

L’on ne peut répondre à cette question sans s’en poser une au préalable.

De quel événement parle-t-on ?

Es ce le déclenchement de la crise sanitaire elle-même ou plutôt les mesures prises pour y pallier par les Etats ?

Analysons un peu.

Pour conduire notre analyse, retraçons d’abord les événements de façon chronologique

Rappelons d’abord que la crise sanitaire a eu pour effet des décès en cascade mais n’a jamais été en soi l’événement déclencheur des difficultés que les entreprises connaissent actuellement. Des virus tuent des populations dans le monde entier et particulièrement en Afrique depuis toujours. Mais qu’est-ce qui change cette fois-ci ?

Eh bien c’est le fait que l’OMS considère ce virus ci comme une pandémie entraînant des mesures sans précédents impactant l’activité économique.

L’évènement clé selon nous part donc de la date à laquelle les Etats ont pris des mesures permettant d’empêcher la propagation du virus et ont sorti des décrets ou ordonnances portant entre autres :

  • Confinement total ou partiel ;
  • Fermeture des commerces non indispensable ;
  • Fermeture des frontières terrestres et aériennes ;
  • Couvre-feu ;
  • Etc…

Il est donc important de ne pas aller chercher la date de naissance de la situation actuelle en se référant au début de la crise sanitaire. Ce ne serait pas faux mais ; au sens comptable, ce serait biaisé.

De quand datent ces mesures ?

Il est clair que l’analyse doit se faire pays par pays. Toutefois, la crise s’étant réellement déclenchée au niveau mondial en janvier 2020 bien entendu après les premiers cas constatés en Chine en décembre, il va de soi que les mesures prises par les gouvernements datent de 2020, à part peut-être pour la chine.

Il en ressort que nous sommes en présence d’un événement postérieur à la clôture de l’exercice indiquant des situations apparues postérieurement à la fin de la clôture de l’exercice pour la plupart des pays.

Traitement comptable

Conformément au Syscohada révisé (inspirée de la norme IAS 10), ces évènements n’entraineront pas d’ajustement des comptes clos au 31 décembre 2019.

Une information en annexe s’avèrera toutefois obligatoire, la crise en cours étant un évènement significatif. Les entités devront notamment communiquer sur :

  • la nature de l’évènement ;
  • une estimation de son effet financier ou l’indication que cette estimation ne peut être fournie ;
  • les mesures prises pour le juguler.

Exemple d’informations à fournir en annexe

  • Baisse du chiffre d’affaires et des prévisions de flux de trésorerie, annulation de commandes,
  • Fermetures d’usines, d’établissements ou de magasins, diminution de la production, sous-activité,
  • Rupture dans la chaîne d’approvisionnement,
  • Report d’investissements, de projets,
  • Allongement des délais de paiement des créances,
  • Rupture de covenants,
  • Incapacité à lever des financements,
  • Chômage partiel des employés,
  • Nouveaux engagements donnés/reçus,
  • Indemnités d’assurance et aides gouvernementales reçues/à recevoir

Exemple de comptes susceptibles d’être impactés par la crise

  • Evaluation des stocks à la clôture

Selon le Syscohada (s’inspirant de la norme IAS 36), les entités doivent dérouler un test de dépréciation dès lors qu’il existe des indices de perte de valeur à la clôture. Dans le cas particulier des stocks, il est précisé que leur évaluation se fait à la clôture en considérant leur valeur nette de réalisation ; autrement dit le prix auquel ces stocks seront vendus en N+1 tout en déduisant les frais de vente.

Partant de cette définition, l’évaluation des stocks devient un point d’attention.

En effet, du fait de la crise, les stocks existants à la clôture pourraient perdre de la valeur parce que ne pouvant plus être vendus à leur prix initial ou carrément générant des pertes entières du fait de leur caractère périssables. Il serait donc bien de renseigner la perte attendue sur les stocks dans les annexes des comptes clos au 31 décembre 2019.

  • Evaluation des créances clients

La faillite d’un client survenant dans le contexte de la crise en 2020 doit amener à déprécier sa créance existante lors des arrêtés intermédiaires.

S’il s’agit du seul client de l’entité ou celui représentant l’essentiel de son chiffre d’affaires alors, on pourra considérer que la continuité d’exploitation est compromise. Sinon, il conviendrait simplement de déprécier cette créance si son montant est considéré comme matériel pour l’entité. La notion de matérialité évoqué ici fait référence au principe de l’importance relative.

  • Provisions au passif

Le COVID -19 entraîne déjà des restructurations au niveau de diverses entreprises (chômage partiel, licenciement, etc.)

Les restructurations donnent lieu à une provision selon le Syscohada révisé qui s’est inspiré de la norme IAS 37.

Toutefois, étant donné que la restructuration est liée à des mesures prises en 2020 par le gouvernement, il n’y aura pas lieu d’ajuster les comptes au 31 décembre 2019. Par contre le coût de la restructuration si possible devra être évalué et renseigné dans les notes annexes et le rapport de gestion à la clôture. La provision devra être passée dans les comptes lors du prochain arrêté intermédiaire.

  • Contrats à long terme

Les contrats à long terme peuvent engendrer du fait de la crise, des pertes à terminaison du fait de la hausse du coût des matériaux ou de pénalités liées au non-respect du contrat. Dans ce cas, une provision pour perte devra être constituée lors de prochains arrêtés intermédiaires. Déjà au 31 décembre 2019, dans les notes annexes, cet impact pourra être évalué en renseigné par la société prestataire.

Presque tous les comptes pourront être impactés mais nous vous laissons faire l’analyse au complet et relever ce qui a réellement un impact matériel pour vous.

Que faire si les comptes ont été déjà arrêtés par le Conseil d’administration ?

Il y a certainement des sociétés qui ont déjà arrêté leur compte avant que la crise ne prenne toute son ampleur. Il est donc possible qu’aucune information relative à la crise sanitaire ne soit mentionnée dans les notes annexes des Etats financiers arrêtés par le Conseil d’administration.

Que faire dans ce cas ?

A notre avis, deux options s’offrent aux entités :

  • Première option : Faire un second arrêté avant la tenue de l’Assemblée Générale (AG).

Cela permettra de renseigner les informations manquantes si elles sont réellement d’ordre significatif. En cas de continuité d’exploitation compromise par exemple, cela permettra d’arrêter les comptes revus sur base liquidative.

  • Deuxième option : On se limite à l’arrêté initial mais on intègre cette information dans le rapport de gestion qui sera soumise à l’ AG.

Le commissaire aux comptes, dans les deux cas, doit faire une observation dans son rapport et faire faire une déclaration par la Direction de l’entité dans la lettre d’affirmation concernant l’impact du Covid 19 sur la vie et les comptes de l’entité.

Voilà pour notre contribution. Nous espérons que cela vous aidera en ces moments où chacun est acharné à faire l’essentiel pour publier ses comptes dans les délais requis.

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La publication des Etats financiers au 31 décembre 2019 dans un contexte de crise sanitaire (COVID-19) : L’hypothèse de continuité d’exploitation tient-elle toujours la route ?

Le cadre conceptuel du Syscohada révisé a retenu comme hypothèse sous-jacente à la préparation des états financiers, la continuité d’exploitation.

Cette notion voudrait que les Etats financiers soient établis en présumant que l’entité poursuivra ses activités dans un avenir prévisible, à moins que des événements ou des décisions survenus avant la date de publication des comptes rendent probable dans un avenir proche la liquidation ou la cessation d’activité.

Lorsque les états financiers ne sont pas établis sur cette base (non continuité d’exploitation : liquidation de l’entité par exemple), les incertitudes quant à la continuité d’exploitation sont indiquées et justifiées, et la base sur laquelle ils ont été arrêtés est précisée.

Rappelons que ces principes sont les mêmes que ceux retenus par les normes IFRS.

COVID-19 : Une crise qui crée panique et incertitudes

La panique est palpable dans le monde entier non seulement à cause des effets sanitaires de cette crise mais également ses effets catastrophiques attendus sur l’économie. Déjà, l’on peut constater les mises en chômage partiel en France, des dizaines de milliers de licenciés aux Etats unis, les pertes estimées à 350 millions de dollars du manque à gagner hebdomadaire des transporteurs maritimes à l’échelle mondiale du fait de cette pandémie. Les valeurs en bourse sont en chute libre (en Europe et aux Etats-Unis, les indices perdent plus de 12% dans la dernière semaine de février- du jamais vu depuis la crise de 2008-2009). Les secteurs tels que l’hôtellerie, la restauration et le tourisme sont les premiers perdants. On s’attend à beaucoup de faillite dans ces secteurs si la crise se prolonge. On ne peut oublier les géants du transport aérien avec Air France KLM qui est en énormes difficultés et j’en passe.

Dans un contexte apocalyptique pareil, il va de soi que le monde traverse une zone d’incertitude des plus élevées. Comme le dit le Ministre de l’Economie et des Finances français, M. Bruno Le Maire, il est difficile d’établir des prévisions « dans des circonstances économiques aussi instables ».

La continuité d’exploitation remise en cause ?

Dans un contexte de crise sanitaire et économique avec ses répercussions telles que décrites dans le paragraphe précédent, tout chef d’entreprise avisé ne peut pas ne pas se poser la question du maintien ou non de l’hypothèse de continuité d’exploitation.

Une petite mise au point

Il faut commencer par préciser que même si les normes ne donnent pas la durée de projection de la continuité d’exploitation, il est retenu qu’elle est de 12 mois. Ainsi donc, analyser sa continuité d’exploitation revient à se poser la question si l’entreprise pourra continuer de fonctionner pendant les 12 prochains mois.

Quand faut-il faire cette analyse ?

Cette analyse se fait au moment ou l’on prépare les Etats financiers, ce qui veut dire en N+1 avant la publication des Etats financiers. Autrement dit, elle ne se limite pas à la revue des évènements subséquents tel que prévu par la norme IAS 10 et reprise par le Syscohada.

Pendant que l’analyse des évènements subséquents se limite à la date l’arrêté des comptes, celle portant sur la continuité d’exploitation va au-delà, jusqu’à la publication des comptes. Cela inclut donc également la période entre la date d’arrêté des comptes et celle de l’Assemblée générale (AG).

Ainsi donc le fait que les comptes soient déjà arrêtés n’empêchent pas selon nous leur remise en cause si entre temps, un évènement significatif venait compromettre la continuité d’exploitation avant la tenue de l’AG.

Application concrète à la pandémie en cours

La pandémie a éclaté en janvier 2020 et continue de sévir. Personne ne peut prévoir ni projeter ses effets financiers avec certitude mais une chose est sûre, c’est que les difficultés sont déjà palpables dans les entreprises. Certaines mesures ont été prises par les Etats pour accompagner les entreprises mais nous savons tous que comme lors de la crise de 2008, l’Etat ne réussira pas à sauver toute la barque.

Dans ce contexte, vous devez évaluer, la capacité de votre entité à survivre et à continuer son exploitation. Les questions suivantes entre autres peuvent s’avérer pertinentes :

  • Êtes-vous financièrement solide ?
  • Vos actifs sont-ils de haute qualité ?
  • Votre entreprise pourra-t-elle survivre au cours des 12 prochains mois environ ?
  • Serez-vous en mesure de trouver d’autres sources de financement pour votre entreprise ?
  • Après la crise, votre marché principal est-il susceptible d’être affecté par de nouvelles lois et réglementations prise à cause de la pandémie ?
  • Les mesures d’accompagnement prises par le gouvernement ou la banque centrale garantissent-elles une reprise de votre activité ?
  • Avez-vous l’appui indéfectible de votre maison mère (si cette dernière a une bonne assise financière) ?
  • Etc.

Après avoir effectué cette évaluation, vous avez deux choix :

  1. Vous estimez que la continuité d’exploitation de votre entreprise n’est pas compromise

En d’autres termes, la direction estime que l’entité survivra à la pandémie.

Dans ce cas, vous devez au moins indiquer dans les notes aux états financiers que, bien que les états financiers aient été préparés selon l’hypothèse de la continuité de l’exploitation, de nombreuses incertitudes entourent l’évaluation. Cette information devra également être portée dans le rapport de gestion. Mieux encore, vous pourriez faire un plan actualisé de vos cashflows attendus sur les 12 prochains mois et présenter aux utilisateurs des Etats financiers les scénarios du pire et du meilleur.

Ce serait également intéressant de démontrer comment le plan de continuité d’activité de l’entreprise (plan indiquant les moyens de prévention des risques ainsi que les ressources nécessaires à la continuité de l’activité de l’entreprise en cas de sinistre/crise), s’il en existe un, permet déjà de se maintenir et de passer toute la période de la crise sans faire faillite ou être totalement bloqué. Cela ne fera que donner plus confiance aux tiers.

  • Vous estimez que la continuité d’exploitation de votre entreprise est compromise.

En d’autres termes, la direction ne croit pas que l’entité survivra à la crise dans les 12 mois.

Dans ce cas, les états financiers doivent être préparés de manière différente (Evaluation des actifs et passifs de la société à leur valeur liquidative).

Application des règles relatives aux évènements subséquents dans le contexte de la crise :

Ce point sera abordé en détail dans un prochain article. Mais déjà, notez que la différence clé entre la revue des événements subséquents de manière générale et l’analyse spécifique de la continuité d’exploitation est qu’on va toucher dans le premier cas, les comptes clés (évaluation des actifs financiers, dépréciation d’actifs corporels et incorporels, valorisation des stocks, etc.) et non les Etats financiers pris dans leur ensemble comme c’est le cas dans l’analyse de la continuité d’exploitation.

Restez connectés et à bientôt.