Traitement comptable des commissions reçues par un établissement de crédit et des coûts marginaux de transaction à l’occasion de l’octroi ou de l’acquisition d’un concours.

Depuis le 1er janvier 2018, suivant l’instruction N° 028 de la BCEAO, les Etablissements de crédits et compagnies financières de la zone UEMOA sont tenus de respecter de nouvelles règles en matière de comptabilisation des commissions et coûts marginaux engendrés par les opérations d’octroi ou d’acquisition de concours.

Ces changements dont l’impact n’est pas négligeable sur la présentation des comptes constituent l’un des fruits de la convergence du référentiel local vers les normes IFRS, notamment l’IAS 39, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 et son relais, l’IFRS 9 qui est d’application obligatoire à compter du 1er janvier 2019.

Il faut dire que sur le terrain, les interprétations parfois abusives de certains établissements sont de nature à alerter le professionnel que nous sommes. Nous avons donc décidé de revenir sur la notion à travers cet article.

1. Les nouvelles règles en question : en quoi consistent-elles ?

Les nouvelles règles requirent l’étalement des commissions reçues et coûts marginaux de transaction sur la durée de vie effective du crédit.

Concrètement, au lieu de prendre les produits et charges en entier sur l’exercice de leur encaissement (décaissement), il faudra maintenant ne prendre qu’une partie et reporter le reste sur les exercices suivants en fonction du rythme de consommation des avantages économiques liés au crédit.

En d’autres termes, il s’agira de faire suivre aux commissions le rythme de prise en compte des intérêts sur le concours sous-jacent. C’est pour cela qu’apparait au même moment, la notion de taux d’intérêt effectif (TIE) prévu notamment par l’instruction N° 026 de la BCEAO traitant des engagements en souffrance.

Le TIE est le taux d’actualisation qui égalise la somme des flux décaissés et encaissés au titre de l’octroi ou de l’acquisition d’un crédit et la valeur actuelle des  flux contractuels à recevoir de la contrepartie sur la durée de vie effective de cet encours. Il est déterminé à l’origine, c’est-à-dire lors de l’octroi ou de l’acquisition du crédit et intègre dans son calcul, à ce titre, les éléments de produits (commissions reçues) et de charges (coûts marginaux) liés aux opérations de crédit ;

2. Qu’est ce qui justifie ces nouvelles règles ?

Les nouvelles règles sont motivées par la nécessité du respect de deux principes clés :

  • la comptabilité d’engagement : Il s’agit là de l’hypothèse de base retenue par le Plan comptable bancaire (PCB) de l’UEMOA pour la tenue comptable (Article 13). La comptabilité d’engagement, à l’inverse de la comptabilité de trésorerie, autorise la comptabilisation des charges et produits lorsqu’ils sont encourus ou acquis et non lors de leur paiement ou encaissement ;
  • la notion de rattachement des charges aux produits (article 44 du PCB révisé) : elle implique la comptabilisation simultanée ou combinée de produits et de charges qui résultent directement et conjointement des mêmes

3. De quoi parle-t-on concrètement ?

Lorsqu’un établissement de crédit octroi un concours financier, il perçoit généralement des commissions pour frais de dossiers. Par ailleurs, cette opération peut engendrer des frais qualifiés de coûts d’obtention du contrat de crédit.

3.1. Les commissions

Il s’agit des sommes reçues en rémunérations des prestations de services

¤Commissions éligibles

Au regard du PCB, il s’agit pour l’essentiel, des commissions dites « flat », qui peuvent être liées :

  • à l’évaluation de la situation financière de l’emprunteur,
  • à l’évaluation et à l’enregistrement des garanties et sûretés,
  • à la préparation et au traitement des documents
  • aux frais de dossier imputés aux

Il s’agit donc de commissions perçues à l’occasion de l’octroi des concours et non tout au long de la vie du crédit. Même lorsque ces commissions sont perçues en deux tranches, dont l’une antérieure à la signature du contrat, à la date de signature, c’est l’ensemble des sommes perçues qui feront l’objet d’étalement.

¤Commissions non éligibles

  • les commissions perçues au titre de la refacturation
  • les commissions reçues qui constituent la rémunération, ou les dépenses associées à la fourniture au client d’une prestation additionnelle excédant les services indispensables à la mise en place et à la gestion de l’opération de financement ;
  • les frais recouvrés par l’établissement assujetti auprès du client emprunteur pour le compte d’un (Exemple : les frais d’assurance perçus par les banques pour le compte des compagnies d’assurance à l’occasion de l’octroi d’un concours)
  • Les commissions d’engagement par exemple ne sont pas admises car assimilables aux intérêts du fait du mécanisme de leur perception.
  • De même, dans le cadre de l’octroi de crédits syndiqués, les commissions de syndication sont exclues car ne rémunérant pas le risque attaché au concours.
  • A l’inverse, les commissions de participation sont prises en compte si elles rémunèrent l’engagement pris par l’établissement de crédit au titre du risque de crédit (fonction de l’engagement pris dans le cadre de la syndication).

3.2. Coûts marginaux de transaction :

Ils sont définis comme des coûts qui n’auraient pas été encourus  si l’établissement assujetti n’avait pas octroyé ou acquis l’encours de crédit

¤Coûts éligibles

On peut dans un premier temps se référer au droit commun qui définit les conditions d’activation des coûts d’obtention d’un contrat comme suit:

  • ces coûts sont marginaux, c’est-à-dire que l‘entité ne les aurait pas encourus si elle n’avait pas obtenu le contrat
  • l‘entité s’attend à les recouvrer
  • les coûts d’obtention du contrat sont significatifs
  • en cas d’activation, la durée d’amortissement de ces coûts d’obtention aurait été supérieure à douze (12) mois

Les coûts marginaux de transaction englobent notamment :

  • les rémunérations spécifiques versées aux employés agissant comme agents de vente ;
  • les honoraires et commissions versés aux intermédiaires en opérations de banque ;
  • les frais de

¤Coûts non éligibles

Les coûts marginaux de transaction n’incluent pas :

  • les coûts internes d’administration et, en particulier, les coûts fixes internes liés aux salaires du personnel de l’établissement octroyant le crédit, les frais de siège,
  • le coût de financement du crédit octroyé par l’établissement
  • les coûts marginaux de transaction supportés par l’établissement et refacturés à l’identique
  • les coûts marginaux qui constituent la rémunération, ou les dépenses associées à la fourniture au client d’une prestation additionnelle excédant les services indispensables à la mise en place et à la  gestion de l’opération de financement.

Il faut globalement noter que les coûts indirects ne sont pas admis. Chaque élément de coût pris en compte doit pouvoir être directement rattaché à un concours spécifique. Il n’est donc pas admis par exemple de considérer les frais administratifs de gestion encourus sur la période d’obtention du contrat comme des coûts marginaux en en faisant une répartition sur les différents concours. Cette pratique est totalement contraire à l’esprit de la norme.

De même, il est admis les rémunérations spécifiques versées aux agents de vente. La notion de rémunération spécifique traduit selon nous, la part variable du salaire, i.e. la quote-part versée uniquement lorsqu’un agent obtient un contrat. C’est une rémunération liée à la performance. Cependant, la quote-part fixe du salaire qui sera versée dans tous les cas (qu’un contrat soit obtenu ou pas), ne devrait pas être considéré comme coût marginal.

Dans tous les cas, il revient à chaque entité de démontrer sans ambiguïté le caractère marginal des coûts qui seront pris en compte.

4. Principe de comptabilisation

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont étalés sur la durée de vie effective du crédit et doivent être comptabilisées selon l’une des deux méthodes suivantes.

Quelle que soit l’approche retenue, la méthode retenue doit s’appliquer de façon uniforme pour un portefeuille homogène de crédits.

4.1. Méthode actuarielle

Cette méthode consiste à étaler de manière actuarielle les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction au taux d’intérêt effectif sur la durée de vie effective du crédit.

4.2. Méthode alternative

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont étalés sur la durée de vie effective du crédit de manière linéaire ou au prorata du capital restant dû.

Cette deuxième méthode est particulièrement adaptée pour l’étalement des commissions sur engagements de hors-bilan. Le compte approprié y relatif est le « 3814-Comptes d’abonnement de produits ».

En vue de préserver la neutralité fiscale de l’étalement, il convient de les comptabiliser selon leur nature dans le compte de résultat avant de les transférer au bilan.

5. Cas particuliers

5.1. Modifications des conditions contractuelles de l’encours de crédit

  • Renégociation commerciale (taux, durée): la fraction restant à étaler des commissions reçues et des coûts marginaux de transaction est enregistrée dans le compte de résultat à la date de cette renégociation quelle que soit la méthode utilisée (actuarielle et alternative) considérant qu’un nouvel encours a pris
  • Renégociation du fait de la situation financière du débiteur (restructuration) :
    • Méthode actuarielle : les commissions continuent à être étalées selon le taux d’intérêt effectif d’origine. Un exemple est fourni dans le guide d’application du plan comptable bancaire.
    • Méthode alternative : un nouveau plan d’étalement des commissions doit être déterminé en fonction du nouvel échéancier contractuel résultant de la

5.2. Cessions d’encours de crédit

En cas de cession d’un encours de crédit, les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction restant à étaler sont enregistrés dans le compte de résultat à la date de cession.

En IFRS, il est précisé que dans les deux cas particuliers cités ci-dessus, l’incidence sur les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction restant à étaler peut être appréhendée de manière statistique pour des portefeuilles homogènes de créances.

6. Présentation dans les états financiers

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont présentés de la manière suivante dans les comptes annuels :

  • Compte de résultat : présentation en produits nets d’intérêts dans le produit net bancaire,
  • Bilan : intégration dans l’encours de crédit concerné
  • Annexe : information sur les méthodes utilisées pour la comptabilisation
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Les immeubles de placement: Quel traitement comptable dans l’espace OHADA ?

La forte urbanisation de l’Afrique ces dernières années ne va pas sans l’accroissement des infrastructures routières et des immeubles à usage commercial et professionnel. Dans ce contexte, il est de plus en plus fréquent de voir des firmes internationales ou locales ériger de grands édifices pour abriter leurs représentations ou leurs sièges sur le continent. Généralement, une partie des locaux de ces immeubles grandeurs nature est destinée à la location. Par ailleurs, se développe aussi la construction ou l’acquisition d’immeubles destinés carrément à la location ou à d’autres formes de valorisation. Dans les deux cas, on parlera de la détention par l’entité d’immeubles de placement.

Dans cet article, nous allons aborder l’essentiel à retenir de la notion d’immeubles de placement instaurée par la récente révision du Syscohada.

Définition et caractéristiques

Le SYSCOHADA révisé définit un immeuble de placement comme étant « un bien immobilier, c’est-à-dire un terrain, un bâtiment, ou une partie de bâtiment ou les deux (un terrain et un bâtiment) détenu par le propriétaire ou par le preneur, dans le cadre d’un contrat de crédit-bail ou location-vente pour en retirer des loyers ou pour valoriser le capital ou pour les deux.

Notons que cette définition est inspirée des normes comptables internationales, notamment l’IAS 40 qui donne, par ailleurs, certaines précisions quant à la qualification ou non d’un bien immobilier d’immeuble de placement.

Selon cette norme, on peut qualifier par exemple, d’immeubles de placement :

  • un terrain détenu pour valoriser le capital à long terme plutôt que pour une vente à court terme dans le cadre de l’activité ordinaire ;
  • un terrain détenu pour une utilisation future actuellement indéterminée (si une entité n’a pas déterminé qu’elle utilisera le terrain soit comme un bien immobilier occupé par son propriétaire, soit pour le vendre à court terme dans le cadre de son activité ordinaire, le terrain est considéré comme étant détenu pour valoriser le capital) ;
  • un bâtiment appartenant à l’entité (ou détenu par l’entité dans le cadre d’un contrat de location-financement) et donné en location dans le cadre d’un ou plusieurs contrats de location simple ;
  • un bâtiment vacant mais détenu en vue d’être loué dans le cadre d’un ou plusieurs contrats de location simple.

Sont, par exemple, des éléments qui ne sont pas des immeubles de placement :

  • un bien immobilier détenu en vue de sa vente dans le cadre de l’activité ordinaire ou du processus de construction ou d’aménagement pour ladite vente, par exemple, un bien immobilier acquis exclusivement pour être vendu ultérieurement dans un avenir proche ou être aménagé et revendu ;
  • un bien immobilier en cours de construction ou d’aménagement pour le compte de tiers ;
  • un bien immobilier occupé par son propriétaire, y compris (entre autres choses) un bien immobilier détenu en vue de son utilisation future comme bien immobilier occupé par son propriétaire, un bien immobilier détenu en vue de son aménagement futur et de son utilisation ultérieure comme bien immobilier occupé par son propriétaire, un bien immobilier occupé par des membres du personnel (que ceux-ci paient ou non un loyer aux conditions de marché) et un bien immobilier occupé par son propriétaire en attendant d’être vendu ;
  • un bien immobilier en cours de construction ou d’aménagement en vue d’une utilisation ultérieure en tant qu’immeuble de placement.
  • un bien immobilier donné en location à une autre entité dans le cadre d’un contrat de location-financement.

Cas spécifiques

Dans un premier cas, nous allons considérer que l’immeuble entier est mis en location, le propriétaire étant ailleurs. L’ensemble de l’immeuble sera donc considéré comme un placement.

Dans un second cas, nous allons considérer que l’immeuble fait l’objet d’un usage mixte (Exploitation et placement). Dans ce cas particulier, il faudra avant tout s’assurer que les différentes parties de l’immeuble peuvent être vendues séparément. Une fois cette condition remplie, la partie qu’occupe l’entité sera traitée comme un immeuble d’exploitation pendant que le reste sera assimilé à un placement.

Toutefois, si la partie qu’occupe l’entité est non significative, le bien immobilier sera considéré dans son ensemble comme un immeuble de placement.

Par exemple, une entité vient d’acheter à crédit un immeuble de 4 étages pour 200 000 000 F CFA. Elle occupe le premier étage pour ses besoins administratifs et loue les autres étages à d’autres entités.

Il est indiqué que les différentes parties du bien peuvent être vendues séparément. On peut donc utiliser l’approche par composants. On comptabilisera ainsi un quart de 200 MFCFA soit 50 MFCFA en immobilisations corporelles, et trois quart de 200 MFCFA soit 150 MFCFA en tant qu’immeuble de placement.

Si par contre le propriétaire occupe juste une salle du 1er étage et que tout le reste y compris les autres salles du 1er étage est mis en location, on pourra considérer que la partie occupée par le propriétaire est non significative. Dans ce cas, l’ensemble des 4 étages de l’immeuble sera traité comme un immeuble de placement.

Une autre particularité des immeubles de placement est l’identification des biens immobiliers loués avec fourniture de services accessoires. De quoi s’agit-il concrètement ?

Un hôtel par exemple offre des services accessoires significatifs à la location de ses chambres, car dès lors qu’on loue une chambre, on dispose des meubles, du service de chambre, de l’assistance du personnel durant tout le séjour.

La location de chambre dans ce contexte ne pouvant être détachée des services accessoires, ces derniers pourront être considérés comme étant significatifs. Ainsi donc, l’immeuble d’un hôtel classique ne sera pas traité comme un placement mais un immobilier d’exploitation.

Par contre, le bien immobilier est à classer en immeubles de placement, si ces services sont non significatifs au regard du contrat pris dans son ensemble.

Évaluation des immeubles de placement

La norme IAS 40 de laquelle est inspirée cette nouvelle règle prévoit deux modes d’évaluation des immeubles de placement. Il s’agit de l’évaluation au coût et à la juste valeur. En IFRS, à l’initiation de l’opération, l’évaluation se fait obligatoirement au coût alors que lors des comptabilisations ultérieures, l’évaluation peut se faire selon l’une ou l’autre des modes d’évaluation précités.

La juste valeur n’étant pas retenue par le Syscohada dans ses modes d’évaluation, le seul mode qui reste est l’évaluation au coût aussi bien à l’initiation que lors des comptabilisations ultérieures. Autrement dit, l’évaluation d’un immeuble de placement dans l’espace OHADA ne présente aucune particularité par rapport aux immeubles d’exploitation, en termes d’évaluation.

Traitement comptable et présentation au bilan

  • Dès lors qu’un immeuble de placement répond aux critères généraux de comptabilisation à l’actif, notamment si elles génèrent des avantages économiques futurs supplémentaires et que son coût peut être évalué de façon fiable, il doit être comptabilisé en immobilisation.
  • Les dépenses ultérieures relatives à un immeuble de placement, doivent être comptabilisées en tant qu’actif du moment où elles sont encourues et répondent aux mêmes critères.
  • A la clôture de l’exercice les immeubles de placement font l’objet d’un amortissement sur leur durée d’utilité.

Aujourd’hui, les Etats financiers annuels du Syscohada mettent en exergue sur, une ligne distincte, la quote-part des immeubles (inscrits à l’actif soit à titre de propriété, soit à titre de location financement/vente) détenus en placement.

Ainsi donc, l’impact essentiel de cette norme telle que retenue par le Syscohada révisé, est la présentation de la valeur des immeubles de placement de façon distincte à l’actif et l’exigence de notes spécifiques prévues pour leur analyse.

A bientôt pour de nouveaux partages!