Traitement comptable des commissions reçues par un établissement de crédit et des coûts marginaux de transaction à l’occasion de l’octroi ou de l’acquisition d’un concours.

Depuis le 1er janvier 2018, suivant l’instruction N° 028 de la BCEAO, les Etablissements de crédits et compagnies financières de la zone UEMOA sont tenus de respecter de nouvelles règles en matière de comptabilisation des commissions et coûts marginaux engendrés par les opérations d’octroi ou d’acquisition de concours.

Ces changements dont l’impact n’est pas négligeable sur la présentation des comptes constituent l’un des fruits de la convergence du référentiel local vers les normes IFRS, notamment l’IAS 39, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 et son relais, l’IFRS 9 qui est d’application obligatoire à compter du 1er janvier 2019.

Il faut dire que sur le terrain, les interprétations parfois abusives de certains établissements sont de nature à alerter le professionnel que nous sommes. Nous avons donc décidé de revenir sur la notion à travers cet article.

1. Les nouvelles règles en question : en quoi consistent-elles ?

Les nouvelles règles requirent l’étalement des commissions reçues et coûts marginaux de transaction sur la durée de vie effective du crédit.

Concrètement, au lieu de prendre les produits et charges en entier sur l’exercice de leur encaissement (décaissement), il faudra maintenant ne prendre qu’une partie et reporter le reste sur les exercices suivants en fonction du rythme de consommation des avantages économiques liés au crédit.

En d’autres termes, il s’agira de faire suivre aux commissions le rythme de prise en compte des intérêts sur le concours sous-jacent. C’est pour cela qu’apparait au même moment, la notion de taux d’intérêt effectif (TIE) prévu notamment par l’instruction N° 026 de la BCEAO traitant des engagements en souffrance.

Le TIE est le taux d’actualisation qui égalise la somme des flux décaissés et encaissés au titre de l’octroi ou de l’acquisition d’un crédit et la valeur actuelle des  flux contractuels à recevoir de la contrepartie sur la durée de vie effective de cet encours. Il est déterminé à l’origine, c’est-à-dire lors de l’octroi ou de l’acquisition du crédit et intègre dans son calcul, à ce titre, les éléments de produits (commissions reçues) et de charges (coûts marginaux) liés aux opérations de crédit ;

2. Qu’est ce qui justifie ces nouvelles règles ?

Les nouvelles règles sont motivées par la nécessité du respect de deux principes clés :

  • la comptabilité d’engagement : Il s’agit là de l’hypothèse de base retenue par le Plan comptable bancaire (PCB) de l’UEMOA pour la tenue comptable (Article 13). La comptabilité d’engagement, à l’inverse de la comptabilité de trésorerie, autorise la comptabilisation des charges et produits lorsqu’ils sont encourus ou acquis et non lors de leur paiement ou encaissement ;
  • la notion de rattachement des charges aux produits (article 44 du PCB révisé) : elle implique la comptabilisation simultanée ou combinée de produits et de charges qui résultent directement et conjointement des mêmes

3. De quoi parle-t-on concrètement ?

Lorsqu’un établissement de crédit octroi un concours financier, il perçoit généralement des commissions pour frais de dossiers. Par ailleurs, cette opération peut engendrer des frais qualifiés de coûts d’obtention du contrat de crédit.

3.1. Les commissions

Il s’agit des sommes reçues en rémunérations des prestations de services

¤Commissions éligibles

Au regard du PCB, il s’agit pour l’essentiel, des commissions dites « flat », qui peuvent être liées :

  • à l’évaluation de la situation financière de l’emprunteur,
  • à l’évaluation et à l’enregistrement des garanties et sûretés,
  • à la préparation et au traitement des documents
  • aux frais de dossier imputés aux

Il s’agit donc de commissions perçues à l’occasion de l’octroi des concours et non tout au long de la vie du crédit. Même lorsque ces commissions sont perçues en deux tranches, dont l’une antérieure à la signature du contrat, à la date de signature, c’est l’ensemble des sommes perçues qui feront l’objet d’étalement.

¤Commissions non éligibles

  • les commissions perçues au titre de la refacturation
  • les commissions reçues qui constituent la rémunération, ou les dépenses associées à la fourniture au client d’une prestation additionnelle excédant les services indispensables à la mise en place et à la gestion de l’opération de financement ;
  • les frais recouvrés par l’établissement assujetti auprès du client emprunteur pour le compte d’un (Exemple : les frais d’assurance perçus par les banques pour le compte des compagnies d’assurance à l’occasion de l’octroi d’un concours)
  • Les commissions d’engagement par exemple ne sont pas admises car assimilables aux intérêts du fait du mécanisme de leur perception.
  • De même, dans le cadre de l’octroi de crédits syndiqués, les commissions de syndication sont exclues car ne rémunérant pas le risque attaché au concours.
  • A l’inverse, les commissions de participation sont prises en compte si elles rémunèrent l’engagement pris par l’établissement de crédit au titre du risque de crédit (fonction de l’engagement pris dans le cadre de la syndication).

3.2. Coûts marginaux de transaction :

Ils sont définis comme des coûts qui n’auraient pas été encourus  si l’établissement assujetti n’avait pas octroyé ou acquis l’encours de crédit

¤Coûts éligibles

On peut dans un premier temps se référer au droit commun qui définit les conditions d’activation des coûts d’obtention d’un contrat comme suit:

  • ces coûts sont marginaux, c’est-à-dire que l‘entité ne les aurait pas encourus si elle n’avait pas obtenu le contrat
  • l‘entité s’attend à les recouvrer
  • les coûts d’obtention du contrat sont significatifs
  • en cas d’activation, la durée d’amortissement de ces coûts d’obtention aurait été supérieure à douze (12) mois

Les coûts marginaux de transaction englobent notamment :

  • les rémunérations spécifiques versées aux employés agissant comme agents de vente ;
  • les honoraires et commissions versés aux intermédiaires en opérations de banque ;
  • les frais de

¤Coûts non éligibles

Les coûts marginaux de transaction n’incluent pas :

  • les coûts internes d’administration et, en particulier, les coûts fixes internes liés aux salaires du personnel de l’établissement octroyant le crédit, les frais de siège,
  • le coût de financement du crédit octroyé par l’établissement
  • les coûts marginaux de transaction supportés par l’établissement et refacturés à l’identique
  • les coûts marginaux qui constituent la rémunération, ou les dépenses associées à la fourniture au client d’une prestation additionnelle excédant les services indispensables à la mise en place et à la  gestion de l’opération de financement.

Il faut globalement noter que les coûts indirects ne sont pas admis. Chaque élément de coût pris en compte doit pouvoir être directement rattaché à un concours spécifique. Il n’est donc pas admis par exemple de considérer les frais administratifs de gestion encourus sur la période d’obtention du contrat comme des coûts marginaux en en faisant une répartition sur les différents concours. Cette pratique est totalement contraire à l’esprit de la norme.

De même, il est admis les rémunérations spécifiques versées aux agents de vente. La notion de rémunération spécifique traduit selon nous, la part variable du salaire, i.e. la quote-part versée uniquement lorsqu’un agent obtient un contrat. C’est une rémunération liée à la performance. Cependant, la quote-part fixe du salaire qui sera versée dans tous les cas (qu’un contrat soit obtenu ou pas), ne devrait pas être considéré comme coût marginal.

Dans tous les cas, il revient à chaque entité de démontrer sans ambiguïté le caractère marginal des coûts qui seront pris en compte.

4. Principe de comptabilisation

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont étalés sur la durée de vie effective du crédit et doivent être comptabilisées selon l’une des deux méthodes suivantes.

Quelle que soit l’approche retenue, la méthode retenue doit s’appliquer de façon uniforme pour un portefeuille homogène de crédits.

4.1. Méthode actuarielle

Cette méthode consiste à étaler de manière actuarielle les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction au taux d’intérêt effectif sur la durée de vie effective du crédit.

4.2. Méthode alternative

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont étalés sur la durée de vie effective du crédit de manière linéaire ou au prorata du capital restant dû.

Cette deuxième méthode est particulièrement adaptée pour l’étalement des commissions sur engagements de hors-bilan. Le compte approprié y relatif est le « 3814-Comptes d’abonnement de produits ».

En vue de préserver la neutralité fiscale de l’étalement, il convient de les comptabiliser selon leur nature dans le compte de résultat avant de les transférer au bilan.

5. Cas particuliers

5.1. Modifications des conditions contractuelles de l’encours de crédit

  • Renégociation commerciale (taux, durée): la fraction restant à étaler des commissions reçues et des coûts marginaux de transaction est enregistrée dans le compte de résultat à la date de cette renégociation quelle que soit la méthode utilisée (actuarielle et alternative) considérant qu’un nouvel encours a pris
  • Renégociation du fait de la situation financière du débiteur (restructuration) :
    • Méthode actuarielle : les commissions continuent à être étalées selon le taux d’intérêt effectif d’origine. Un exemple est fourni dans le guide d’application du plan comptable bancaire.
    • Méthode alternative : un nouveau plan d’étalement des commissions doit être déterminé en fonction du nouvel échéancier contractuel résultant de la

5.2. Cessions d’encours de crédit

En cas de cession d’un encours de crédit, les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction restant à étaler sont enregistrés dans le compte de résultat à la date de cession.

En IFRS, il est précisé que dans les deux cas particuliers cités ci-dessus, l’incidence sur les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction restant à étaler peut être appréhendée de manière statistique pour des portefeuilles homogènes de créances.

6. Présentation dans les états financiers

Les commissions reçues et les coûts marginaux de transaction sont présentés de la manière suivante dans les comptes annuels :

  • Compte de résultat : présentation en produits nets d’intérêts dans le produit net bancaire,
  • Bilan : intégration dans l’encours de crédit concerné
  • Annexe : information sur les méthodes utilisées pour la comptabilisation
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La juste valeur : Nouveau mode d’évaluation retenue par le Plan comptable bancaire (PCB) révisé de l’UMOA – Comment l’appréhender?

L’article 35 du PCB révisé défini l’évaluation comme étant « le processus consistant à déterminer les valeurs monétaires auxquelles les éléments des états financiers seront comptabilisés et inscrits aux bilan, hors –bilan et compte de résultat ». Elle implique un choix parmi les conventions que sont le coût historique et la juste valeur.

Le PCB révisé retient deux modes d’évaluation des actifs et passifs des Etablissements assujettis. Il s’agit du coût historique et de la juste valeur, ce dernier étant une nouveauté pour notre zone monétaire. 
Cet article va nous permettre d’aborder la juste valeur,telle qu’intégrée par le PCB révisé.

De quoi parle-t-on ?

La juste valeur n’est pas une notion si nouvelle que ça. En effet, il s’agit d’un des modes d’évaluation clés retenu depuis des années par les normes comptables internationales. Il a fait l’objet par la suite d’une norme spécifique, la norme IFRS 13 dont la définition a été reconduite par les Experts de la zone UMOA.

L’article 37 du PCB révisé défini ainsi la juste valeur comme : « une mesure fondée sur le marché et non une mesure spécifique à une entité. Elle correspond au prix qui serait reçu pour la vente d’un actif ou payé pour le transfert d’un passif lors d’une transaction normale entre des intervenants du marché à la date d’évaluation, que ce prix soit directement observable ou estimé selon une autre technique d’évaluation. »

De cette définition, il ressort trois notions clés qui feront l’objet de notre développement.

Le marché

La notion de marché fait référence au marché principal d’un actif ou passif et au marché secondaire qualifié de « marché le plus avantageux ». Selon IFRS 13,le marché le plus avantageux est celui qui maximise le montant qui serait reçu pour la vente de l’actif ou qui minimise le montant qui serait payé pour le transfert du passif, après prise en compte des coûts de transaction et des frais de transport. On ne s’y réfère que si le marché principal ne fournit pas des données directement observables.

Les intervenants du marché

Les intervenants du marché présentent les caractéristiques suivantes :

  1. Ils sont indépendants les uns des autres (ils ne sont pas des parties liées).
  2. Ils sont bien informés et utilisent toute l’information disponible.
  3. Ils sont capables de conclure une transaction.
  4. Ils sont disposés à conclure la transaction (ils n’y sont pas forcés).

On se rend donc compte que pour une bonne évaluation, il faut considérer l’intérêt de l’intervenant et non celui de l’entité qui détient les titres. Ceci assure une certaine objectivité dans l’évaluation.

Par exemples l’entité devrait tenir compte de caractéristiques pertinentes d’un actif, telles que :

  • L’état de l’actif et l’endroit où il se trouve;
  • Les restrictions, le cas échéant, sur la vente ou l’utilisation de l’actif.

Les techniques d’évaluation

L’article 37 du PCB révisé retient trois approches d’évaluation à la juste valeur. Concrètement,  à la date d’inventaire ou d’arrêté, il s’agira de passer par un processus graduel permettant de décider de l’approche la plus pertinente permettant une évaluation optimale et fiable de l’actif pou du passif. Nous allons donc détailler ces trois approches, tout en nous inspirant de nos expériences pratiques en IFRS pour les illustrer.

L’approche par le marché : On considère que c’est l’approche par excellence.

Cette approche se fonde sur les prix et autres informations pertinentes générées par des transactions de marché identiques ou comparables.

Par exemple, si vous détenez des instruments de capitaux(actions et instruments apparentés par exemple), leur évaluation à la clôture doit d’abord se baser sur leur cours en bourse à la date d’évaluation. Les actions des entreprises cotées de l’UEMOA seront évaluées par exemple à leur cours à la BRVM (Bourse Régionale des Valeurs Mobilières), non ajustés à la date d’évaluation.

La différence entre la valeur en bourse et la valeur du titre enregistré à l’actif à son coût d’acquisition constitue ce qu’on appelle les variations de juste valeur qui, en IFRS, n’impacte pas le résultat net mais plutôt les OCI (Other comprehensive income/Autres éléments du résultat global) se traduisant concrètement par des réserves positionnées en capitaux propres dits recyclables.

Dans le PCB, les variations de juste valeur sont comptabilisées sous forme de dépréciations au compte de résultat, notamment pour les éléments patrimoniaux non amortissables.

L’approche par le résultat : Elle désigne les techniques d’évaluation utilisées pour convertir des montants futurs en un montant unique actualisé. La juste valeur est ainsi déterminée à partir des valeurs correspondant aux attentes du marché quant à ces montants futurs.

Concrètement, ici, on considère que l’approche par le marché n’est pas applicable, car les actions ne sont pas cotées et on n’a pas pu non plus identifier des actions comparables sur le marché.

La deuxième option est de procéder à une évaluation des actions par l’une des méthodes d’évaluation financière, notamment le DCF (Discounted Cash-flow). Pour les institutions financière, il est souvent déterminé en actualisant les dividendes attendus de ces actions sur les années à venir.

L’approche par les coûts : Il s’agit, en l’absence de données observables sur le marché, de se contenter de la valeur actuelle de l’actif à la clôture, i.e. le montant qui serait requis à la date d’évaluation pour remplacer sa capacité de service.

Si nous revenons à notre exemple, dans l’incapacité d’estimer avec une fiabilité suffisante les flux de trésorerie devant servir à la détermination de la juste valeur des actions, on va devoir se contenter de leur valeur actuelle qui sera déterminée généralement en se basant sur les Etats financiers de l’entité dont on détient les titres. La situation nette corrigée ou encore actif net corrigé des actions sera généralement le mode d’évaluation qui permettra de déterminer la valeur actuelle des actions pour lesquelles l’approche par le marché et l’approche par le résultat s’avère impossible.

Globalement, les données utilisées pour l’évaluation (qualifiées de données d’entrée) sont classifiées par IFRS 13 en 3 niveaux :

  • Données d’entrée de niveau 1 – cours (non ajustés)auxquels l’entité peut avoir accès à la date d’évaluation, sur des marchés actifs, pour des actifs ou des passifs identiques. 
    Exemple : Actions ou obligations cotées sur un marché actif.
  • Données d’entrée de niveau 2 – données concernant l’actif ou le passif, autres que les cours du marché inclus dans les données d’entrée de niveau 1, qui sont observables directement ou indirectement.  Exemple : Une obligation cotée qui a connu peu de transactions les deux ou trois dernières semaines précédant la date d’évaluation.On va devoir faire une estimation en partant des dernières cotations ajustées des tendances observables sur le marché.
  • Données d’entrée de niveau 3 – données non observables pour l’actif ou le passif. 
    Exemple : Actions non cotées.

Les données d’entrée observables sont bien entendu privilégiées par rapport aux données d’entrée non observables sur le marché.

La juste valeur est-elle un mode d’évaluation pertinente pour les banques ?

La déficience de l’information financière est considérée comme l’un des facteurs favorisant les crises financières qui par ailleurs, ont emporté certaines banques des plus solides. Par ailleurs, des régulateurs comme la BCE et la réserve fédérale ont cité l’assainissement des bilans comme l’un des facteurs pris en compte dans leurs diagnostics  monétaires. Certains outils de diagnostic des banques  centrales sont donc indirectement influencés par les normes comptables.

Au vue de la définition donnée à la juste valeur, il nous semble que son application aux banques notamment en ce qui concerne l’évaluation des actifs et passifs financiers est plutôt de nature à améliorer la qualité de l’information en tenant compte des données qualitatives les plus pertinentes et actualisées pour déterminer la valeur du patrimoine, au lieu de se contenter d’un coût historique qui ne traduit qu’une réalité antérieure. Ainsi, à notre avis,la juste valeur est la bienvenue pour aider les investisseurs à prendre les décisions en toute connaissance de cause et à aider les banques centrales dans une exploitation plus pertinente des données issues du bilan des établissements de crédit.

En même temps, la juste valeur ne peut s’appliquer à l’ensemble des opérations d’une banque, au risque d’affecter sérieusement la volatilité des fonds propres de la banque du fait de la chute du résultat provenant par exemple d’une baisse des cours sur le marché financier. La baisse des fonds propres comptable pourrait pousser les banques à retreindre les crédits accordés aux entreprises. En l’absence de financement, la capacité de croissance des entreprises pourrait être compromise affectant de facto la croissance du pays ou de l’espace économique. Aussi, dans un contexte d’application des Accords Bâle II et Bâle III, tout élément venant creuser de plus les fonds propres déjà insuffisants des banques de la zone ne serait que préjudiciable à nos économies.

En ce qui concerne l’ UMOA, l’application de la juste valeur a été assez circonscrite. On y fait appel principalement dans l’évaluation des titres détenus par les Etablissements de crédits, notamment les titres de transaction et dans l’évaluation des opérations en devises, y compris les instruments de couverture. De façon assez limité, la juste valeur est évoquée dans le cadre des contrats de location. Notamment au niveau du critère de comparaison de la valeur actualisée des paiements minimaux et la juste valeur des actifs loués.

Comme a pu le voir dans cet article, la juste valeur est une notion non négligeable qui doit être exploitée avec discernement. A notre avis,son intégration à notre référentiel a été faite avec beaucoup de discernement. Il revient aux établissements de crédit de l’appliquer convenablement et surtout d’expliquer en annexe le mode d’évaluation retenue.

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Les Holding financières dans l’espace OHADA : Quel référentiel applicable et quelles sanctions en cas de défaut d’établissement des Etats financiers selon ce référentiel ?

Définition de la notion de Holding

Un (ou une) holding (mot d’origine anglaise signifiant « tenir, détenir ») est une société qui détient des titres de participation dans une ou plusieurs sociétés en vue de les contrôler. Cette société est qualifiée de pure (ou passive) lorsqu’elle a pour objet unique la détention de titres, et d’impure (ou active) lorsqu’elle a pour objet à la fois la détention de titres et l’exercice d’autres activités de nature industrielle ou commerciale. Très fréquemment, les sociétés Holdings exercent et facturent, pour le compte de leurs filiales, des activités de conseil, de centralisation de la trésorerie, de tenue de la comptabilité et de diffusion d’informations. L’utilisation de la société holding présente des intérêts variés :

– elle facilite la transmission des PME, PMI,

– elle est un instrument de gestion dans les groupes consolidés,

– elle permet le rachat d’une société et notamment la déduction des charges financières liées à l’acquisition (LBO ou Leveraged Buy-Out).

Dès lors qu’il y a holding, on est en présence, au sens fiscal du terme, d’un groupe de sociétés.

Régime juridique de la holding dans l’espace OHADA

  1. Notion de groupe

L’OHADA n’a pas prévu la société holding dans la classification juridique des sociétés. Ainsi, la holding peut revêtir n’importe quelle forme ; les plus répandues étant la SA et la SAS. Le choix d’une structure juridique sera inspiré par les objectifs poursuivis.

Toutefois, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE (AUSCGIE) de l’OHADA définie la notion de groupe dans son article 173 comme étant l’ensemble formé par des sociétés unies entre elles par des liens divers qui permettent à l’une d’elles de contrôler les autres.

L’article 179 précise quant à lui la notion de société Mère-fille.

Selon cet article, une société est société mère d’une autre société quand elle possède dans la seconde plus de la moitié du capital.

2. Obligation de consolidation

Selon l’article 74 de l’ Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (AUDCIF), toute entité, qui a son siège social ou son activité principale dans l’un des Etats parties et qui contrôle de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entités, doit établir et publier chaque année les états financiers consolidés de l’ensemble constitué par toutes ces entités ainsi qu’un rapport sur la gestion de cet ensemble.

Deux cas d’exemptions d’établissement toutefois :

  • L’entité dominante est contrôlée à son tour par une autre entité de la même région (sous certaines conditions à lire dans l’article 77 de l’AUDCIF)
  • L’entité a une dimension modeste, soit un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions F CFA par exercice, pendant deux exercices successifs (Article 95 de l’AUDCIF).

3. Obligation d’établissement d’états financiers (individuels/Consolidés)

L’article 111 de l’AUDCIF prévoit des sanctions pénales aux dirigeants des sociétés au sens de l’article 2, en cas de non-respect des obligations d’établissement d’Etats financiers. Le contenu de l’article 2 est présenté ci-après :

« Sont astreintes à la mise en place d’une comptabilité, dite comptabilité financière, les entités soumises aux dispositions de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, de l’ Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, les entités publiques, parapubliques, d’économie mixte et, plus généralement, les entités produisant des biens et des services marchands ou non marchands, dans la mesure où elles exercent, dans un but lucratif ou non, des activités économiques à titre principal ou accessoire qui se fondent sur des actes répétitifs, à l’exception de celles soumises aux règles de la comptabilité publique. »

Ces textes suscitent une double observation :

  • les sanctions évoquées ci-dessus (art 111) ne sont pas celles applicables à la personne morale d’une entité mais à la personne physique de ses dirigeants ;
  • L’article 2 fait référence dans sa 1ère partie aux entités soumises à des droits et non à des référentiels.

Ainsi donc, nous dissocierons la question du référentiel applicable de celle de la sanction applicable à la personne morale que constitue une holding bancaire.

Quel référentiel applicable à une holding bancaire dans l’espace OHADA ?

Notre argumentaire partira du cadre juridique des compagnies financières dans notre espace.

En effet, la notion de compagnies financières, n’a pas du tout été abordée ni par l’AUSCGIE, ni par l’AUDCIF. Ainsi donc, on ne dispose pas dans le droit OHADA, d’une définition de cette notion.

Par contre, cette notion a été clairement définie dans la « Décision N° 014/24/06/2016/CM/UMOA relative à la supervision sur base consolidée des établissements de crédit maisons-mères et des compagnies financières dans l’union monétaire ouest africaine (UMOA) ».

Selon cette décision, les Compagnies financières sont des sociétés ayant pour activité principale de prendre et gérer des participations financières et qui, soit directement, soit par l’intermédiaire de sociétés ayant le même objet, contrôlent une ou plusieurs sociétés effectuant des opérations à caractère financier dont une, au moins, est un établissement de crédit.

Elles sont subdivisées en deux catégories, comme suit :

  • Compagnie financière holding : une entité non agréée en tant qu’établissement de crédit et qui est la maison-mère d’un groupe bancaire ;
  • Compagnie financière holding intermédiaire : une entité non agréée en tant qu’établissement de crédit et qui détient l’ensemble des participations d’un groupe dans ses filiales, établissements de crédit, opérant dans l’UMOA.

L’instruction N° 35-11-2016 de la BCEAO relative à l’établissement et à la publication des états financiers individuels et consolidés cite dans son article 1er les compagnies financières comme étant des établissements assujettis. Dans les articles 4 et 9 de la même instruction, il est précisé l’obligation des établissements assujettis de publier leurs comptes individuels et consolidés conformément au Plan comptable bancaire révisé de l’UMOA et à l’instruction de la banque centrale, en ce qui concerne les comptes consolidés.

Eu égard à ce qui précède, l’établissement des Etats financiers individuels et consolidés d’une holding bancaire (compagnie financière) est du ressort du droit bancaire et non du droit général OHADA.

Il faut noter que le droit OHADA n’intervient dans le secteur bancaire que pour les textes qui n’ont pas été formellement précisés dans le dispositif bancaire. Ce dernier renvoie d’ailleurs par moment vers ce droit général sur certains sujets.

Quelles sanctions applicables à une holding bancaire en cas de défaut d’établissement des Etats financiers conformément au référentiel qui lui est applicable ?

Eu égard au droit OHADA, nous répondrons : Aucune pour la personne morale que constitue la Holding mais sanction pénale pour ses dirigeants.

Pour expliquer notre point de vue, retournons à nos deux précédentes observations

  • les sanctions évoquées par l’article 111 ne sont pas celles applicables à la personne morale mais à la personne des dirigeants.La Holding en tant que personne morale n’est donc pas concernée par cet article. Par contre, elle n’échappe pas, bien entendu, aux sanctions provenant des autorités de supervision bancaire. Ces sanctions partent du simple avertissement au retrait de l’agrément bancaire.
  • L’article 2 fait référence dans sa 1ère partie aux entités soumises à des droits et non à des référentiels.

La question est donc de savoir si les compagnies financières sont soumises au droit commercial général de l’OHADA ou encore à l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique de l’OHADA ?

Notre réponse sera « Oui ! », les holdings sont avant tout des sociétés ayant une des formes juridiques prévues dans le droit OHADA et qui se retrouvent ainsi régies par ces textes dans leur fonctionnement.

Si tel est le cas, alors, on pourrait répondre sans hésiter que les sanctions de l’article 111 de l’AUDCIF sont applicables aux dirigeants de la Holding bancaire qui n’établit pas ses comptes individuels et consolidés conformément au référentiel qui lui est applicable en fonction de son espace économique (Plan comptable bancaire de l’UMOA ou Plan comptable des Etablissements de crédits dans la CEMAC).

Engagements en souffrance et dépréciations dans la Zone UMOA: Changements majeurs

Jusqu’au 31 décembre 2017, le dispositif applicable aux engagements des établissements de crédit s’articulait autour de l’Instruction n°94-05 relative à la comptabilisation et au provisionnement des engagements en souffrance et du dispositif prudentiel entré en vigueur le 1er janvier 2000.

Les changements intervenus à travers la nouvelle instruction n°026-11-2016 du 15 novembre 2016 relative à la comptabilisation et à l’évaluation des engagements en souffrance qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2018 s’expliquent essentiellement par la nécessité d’aligner le traitement des créances en souffrance sur les pratiques admises au niveau international. Aussi, il faut dire que la définition que donne Bâle 2 des créances en souffrance oblige à revoir les règles existantes.

Selon les dispositions de Bâle 2 : « un défaut de la part d’un débiteur intervient lorsque l’un des deux événements ci-dessous se produit, sinon les deux :

  •  la banque estime improbable que le débiteur rembourse en totalité son crédit au groupe bancaire sans qu’elle ait besoin de prendre des mesures appropriées telles que la réalisation d’une garantie (si elle existe) ;
  • l’arriéré du débiteur sur un crédit important dû au groupe bancaire dépasse 90 jours. Les découverts sont considérés comme des créances échues dès que le client a dépassé une limite autorisée ou qu’il a été averti qu’il disposait d’une limite inférieure à l’encours actuel ».

De cette nouvelle définition, on peut tirer les observations suivantes :

  • Une créance est considérée comme douteuse lorsqu’elle est échue depuis plus de 3 mois. Précisons que le délai était de 6 mois jusqu’au 31/12/2017. La conséquence, toutes choses restant égales par ailleurs est que le niveau des dépréciations augmente avec les nouvelles dispositions.
  • Il faut toutefois noter que cette augmentation est mitigée par l’élargissement du champ des garanties éligibles au plan prudentiel, la prise en compte des paramètres de retour à meilleure fortune du client (reclassement en sain des créances douteuses sous certaines conditions) ainsi que l’obligation nouvelle consistant à reclasser en créances irrécouvrables les créances douteuses depuis 5 ans au moins.
  • Indépendamment des règles basées sur le nombre de jour d’impayés, tout indice de défaillance d’une contrepartie pourra conduire à une dépréciation.

Par ailleurs, en parcourant les nouvelles dispositions, on ne peut pas ne pas remarquer les changements suivants:

1. Créances impayés et immobilisées :

  • Le 1er changement remarquable est que les créances immobilisées ont été supprimées et traitées dans le cadre global des créances restructurées.
  • Les créances impayées quant à elles ne sont plus considérées comme des créances en souffrance. Elles sont classées en créances saines tant qu’elles ne remplissent pas les conditions pour être déclassées en douteux.

2. Créances en souffrance

La notion de risques pays a été supprimée. Désormais, les créances en souffrance sont constituées uniquement des créances restructurées et des créances douteuses et litigeuses.

3. Créances restructurées

Les créances restructurées font l’objet désormais d’une définition plus précise (Distinction faite entre Renégociation et Restructuration) et d’un traitement plus clair. En effet, une créance restructurée est caractérisée par l’existence d’une difficulté financière au niveau du client et d’une concession faite par la banque sur les termes du contrat, permettant au débiteur de payer sa dette. Aussi, une créance restructurée fait globalement 3 ans sous ce statut (maintenue d’abord en créances en souffrance pendant 1 an avant d’être reclassée en créance saine sous la qualification de restructurée pendant une période d’observation de 2 ans pendant lesquelles tout impayé de plus de 30 jours entraine un reclassement en douteux).

Il faut noter, en termes de nouveautés, l’obligation de comptabiliser en coût du risque une décote dès lors qu’il y a restructuration. Cette décote correspond à la perte qu’enregistre la banque du fait d’abandon d’une partie du capital/intérêts ou de la modification des flux contractuels liés à la restructuration elle-même. Concrètement, il faut faire la différence entre à la valeur actualisée des flux liés au tableau d’amortissement initial avant restructuration et la valeur actualisée des flux issus du nouveau tableau d’amortissement après restructuration. L’actualisation doit se faire au TIE (Taux d’intérêt Effectif) d’origine, notion importée des IFRS.

4. Créances douteuses et litigieuses

Les créances douteuses ou litigieuses sont régies par les dispositions de l’article 8 de l’Instruction n°026-11-2016 susvisée et sont constituées par :

  • les créances sur une contrepartie présentant des caractéristiques telles qu’indépendamment de l’existence de tout impayé, il est probable que l’établissement ne perçoive pas tout ou partie des sommes dues au titre des engagements souscrits par la contrepartie ;
  • les créances dont au moins une échéance est restée impayée depuis plus de quatre-vingt- dix (90) jours (seuil porté à 180 jours en ce qui concerne les PME/PMI et les entités du secteur public).
  • Pour les comptes ordinaires débiteurs (COD), l’ancienneté de l’impayé est décomptée dès que la contrepartie a dépassé une limite qui a été portée à sa connaissance par l’établissement assujetti ou que la contrepartie a tiré des montants sans autorisation de découvert. On peut remarquer que les règles de dépréciation des COD 3 mois sans mouvement créditeur ou 6 mois sans mouvement créditeur significatif ne sont plus d’actualité.
  • Désormais, les seuls COD considérés sont les découverts qui ont dépassé les limites autorisées ou qui sont tirées sans autorisation de découvert, et les COD 3 mois ne se retrouvant pas dans la catégorie précédente et qui sont sans mouvements créditeurs significatifs depuis plus de 3 mois. Ils sont à ce titre traités comme des créances douteuses.

5. Garanties éligibles

Désormais, les hypothèques de 2ème rang ne sont admises à titre de garantie réelle que si le 1er rang a été constitué au profit du même établissement de crédit. Ceci restreint le champ d’utilisation des Hypothèques.

Les garanties prévues par le dispositif prudentiel sont définies dans l’instruction relative à la définition des attributs sous le point 10. Je note l’élargissement à de nouvelles formes de garanties, notamment :

  • les titres de dettes respectant certains critères ;
  • les actions ou obligations convertibles en actions remplissant certaines conditions ;
  • les parts ou actions d’OPCVM et de FI respectant certaines conditions.

Par ailleurs, on note une certaine flexibilité, notamment au niveau des dépôts en espèce qui sont éligibles à condition bien sûr d’être nantis.

Aussi, en ce qui concerne les garanties à 1ère demande, la liste des garants éligibles a été élargie…

6. Dépréciation des créances douteuses et litigieuses

Les dépréciations de créances douteuses sont plus étalées dans le temps. En effet, la partie de la créance non couverte par des garanties éligibles doit faire l’objet d’une dépréciation de 20% à la date de déclassement, 50% au moins dans 3 mois et 100% dans 9 mois. Cette mesure permet, toutes choses étant égales par ailleurs, de réduire le coût du risque supporté sur un exercice en l’étalant dans le temps.

Pour la partie couverte par des garanties, la dépréciation est facultative pendant les deux 1ères années à compter de la date de déclassement. Elle doit couvrir 50% à partir de la 3ème année et 100% à partir de la 4ème année. Cette disposition est la même que dans l’instruction 94-05 à la différence que ce n’est plus forcément au terme des 3ème et 4ème années mais à tout moment dès lors qu’on passe respectivement les 2ème et 3ème années.

L’autre nouveauté est que les créances douteuses et litigieuses peuvent être reclassées en créances saines lorsque le crédit se dénoue normalement (montant + échéances respectées) sur une période d’un an. Le crédit est toutefois toujours qualifié de douteux pendant une période d’observation dite de « probation » de deux ans après le transfert en créances saines. C’est ce qu’on appelle le retour à meilleure fortune.

Une autre précision que j’ai noté est l’impossibilité de déprécier une créance sans au préalable la déclasser en douteux. On peut toutefois déclasser sans déprécier suivant des conditions spécifiques.

Les engagements hors bilan qui s’avèrent douteux doivent faire l’objet de provision pour leur totalité en tenant compte des garanties éligibles.

Exemptions :

Sont exemptés de la dépréciation :

  • les risques directs sur les Etats de l’UMOA, et organismes publics hors administration centrale des Etats de l’UMOA, ainsi que les risques garantis par ces mêmes agents économiques;
  • les créances restructurées.

7. Application des règles de contagion

La contagion s’applique comme avant mais avec deux exceptions (Article 11 de l’instruction n°26-11-2016) :

  • Les créances résultant d’un escompte commercial et,
  • les encours portés sur la clientèle de détail (Les critères d’éligibilité en clientèle de détail sont précisés dans le nouveau dispositif prudentiel).

A suivre…..