Les récentes réformes dans l’espace OHADA et dans la zone UMOA ont mis au grand jour la notion d’arrêté intermédiaire. Il ne s’agit pas en réalité d’une nouveauté puisqu’une norme internationale y a été consacrée depuis des années. Toutefois, les référentiels locaux, notamment le Syscohada et le PCB révisé ne l’avaient pas formellement évoqué avant leur révision récente. Dans cet article, nous allons mieux comprendre la notion, son utilité et les obligations y relatives aussi bien au niveau des normes comptables internationales que locales.
1. Un arrêté intermédiaire : Qu’est-ce que c’est ?
Loin des définitions livresques, disons qu’un arrêté intermédiaire
permet à une entité de produire des Etats financiers à une date autre que celle
de l’arrêté annuel. Il peut s’agir d’un arrêté mensuel, bimensuel, trimestriel,
ou semestriel. Un arrêté intermédiaire peut être produit par obligation ou par simple
volonté des organes de gouvernance de l’entité. Dans tous les cas, c’est un
outil de pilotage à ne pas négliger.
2. Un arrêté intermédiaire : quelle utilité ?
Dans un environnement économique de plus en plus instable secoué par
des crises à répétition, il nous semble que la posture à ne pas avoir en tout
cas est d’attendre d’analyser la situation financière une fois par an, lors de
l’arrêté des comptes annuels.
Partons d’un principe de base : La nécessité d’informer les
utilisateurs des comptes de la situation financière de l’entité. Ces
utilisateurs sont nombreux mais nous allons illustrer l’utilité de l’arrêté
intermédiaire pour ceux qui nous semblent les plus concernés.
– La gouvernance de l’entité
La gouvernance d’une entité est généralement composée de la Direction
générale, le Conseil d’administration (y compris ses comités spécialisés) et
l’assemblée générale des actionnaires.
L’arrêté intermédiaire permet à la gouvernance de l’entité de suivre
l’évolution de la situation financière de l’entité au fur et à mesure et
d’anticiper sur toute menace ou risque financier avant la clôture des comptes
annuels.
– Les investisseurs potentiels et les autres parties prenantes
Un arrêté intermédiaire permet également aux investisseurs potentiels
de s’enquérir d’une situation financière fraîche et actualisée de l’entité en
tout moment. Ceci leur permet de prendre leurs décisions d’investissement en
toute connaissance de cause.
– Les autorités de régulation et de contrôle
Les arrêtés intermédiaires permettent également aux autorités de
contrôle et de régulation dans certains secteurs spécifiques (le secteur
financier par exemple) de suivre les indicateurs clés de la santé financière
des entités sous leur supervision.
3. Un arrêté intermédiaire : Option ou obligation
– Au niveau international
Au niveau international, la norme IAS 34 est celle qui traite des
arrêtés intermédiaires. La norme précise qu’elle n’a pas pour objectif de
définir qui doit produire une situation financière intermédiaire mais de donner
une indication du contenu minimum d’un rapport financier intermédiaire ainsi que les
principes de comptabilisation et d’évaluation à appliquer aux états financiers
complets ou résumés d’une période intermédiaire.
– Au niveau de l’espace OHADA
Le référentiel comptable de l’OHADA a affiché la même position que la
norme IAS 34 évoquée ci-dessus.
– Au niveau de la zone UMOA (Union monétaire Ouest Africaine)
Depuis l’entrée en vigueur du Plan comptable bancaire révisé de l’UMOA,
les banques et institutions financières ont l’obligation de produire des Etats
financiers semestriels.
En effet, l’article 8 de l’instruction N° 035 – 11 – 2016 relative à l’établissement et à la publication des états financiers individuels et consolidés stipule : « Les établissements assujettis sont tenus de communiquer les états visés à l’article 4, ci-dessus, arrêtés à la fin du premier semestre de chaque exercice comptable, à la Banque Centrale et à la Commission Bancaire, (…) »
Il en ressort de tout
ce qui précède que le caractère optionnel ou non varie d’un secteur à l’autre,
d’une entité à l’autre, d’une réglementation à l’autre et d’une période à l’autre.
4. Les Etats financiers intermédiaires : Quel contenu ?
– Au niveau international
La norme IAS 34
précise qu’un rapport financier intermédiaire doit
comporter, au minimum, les composantes suivantes :
- un bilan résumé ;
- un compte de résultat résumé ;
- un état résumé indiquant soit toutes les
variations des capitaux propres, soit les variations des capitaux propres
autres que celles résultant de transactions sur le capital avec les
propriétaires et de distributions aux propriétaires ;
- un tableau résumé des flux de trésorerie ;
et
- une sélection de notes explicatives.
Par
ailleurs, si une entité publie un jeu complet d’états financiers dans son
rapport financier intermédiaire, la forme et le contenu de ces états doivent
être conformes aux dispositions d’IAS 1 (Norme internationale de présentation
des Etats financiers) pour un jeu complet d’états financiers.
Si
une entité publie un jeu d’états financiers résumés dans son rapport financier
intermédiaire, ces états financiers résumés doivent comporter au minimum
chacune des rubriques et chacun des sous-totaux qui étaient présentés dans ses
états financiers annuels les plus récents, ainsi que la sélection de notes
explicatives imposées par IAS 34. Ils doivent également présenter les postes ou
les notes supplémentaires dont l’omission aurait pour effet de rendre trompeurs
les états financiers intermédiaires résumés.
– Dans l’espace OHADA
Le Syscohada révisé
prévoit comme contenu minimum :
- Un bilan,
- Un compte de résultat,
- Un tableau des flux de trésorerie, et
- Des notes annexes résumées
A cela s’ajoutera un
tableau de variation des capitaux propres s’il s’agit de comptes
consolidés/combinés.
– Dans la zone UMOA
Comme précisé dans l’article
8 de l’instruction N° 035-11-2016 ci-dessus, les Etats financiers contiennent
au minimum :
- Un bilan
- Un compte de résultat
- Un résumé de notes
- Tout ceci, accompagné d’un rapport d’activité semestriel et du rapport du/des commissaire(s) aux comptes sur les comptes ainsi arrêtés.
Il faut noter que
chaque référentiel fourni un contenu indicatif des notes annexes et précise que
les Etats financiers intermédiaires doivent avoir pour comparatif, les comptes
arrêtés lors de l’exercice précédent à la même période.
Il y a toutefois à ce
niveau une question qui se pose. Est-il pertinent de comparer les comptes de
bilan N et N-1 pour un arrêté intermédiaire, sachant qu’il y a un arrêté plus
récent au 31 décembre N-1 et que le bilan, contrairement au compte de résultat
qui présente des flux, est une photo à un instant T de la situation financière
de l’entité ?
La réponse dépend de l’utilisation
qu’on fait de ces Etats. De notre point de vue, il est pertinent de comparer
les soldes N/N-1 du compte de résultat mais pas ceux du bilan. Un comparatif
avec la situation la plus récente permet une meilleure lecture et compréhension
par la gouvernance de l’entité, des variations intervenues. C’est d’ailleurs cette
option qu’a prise la BCEAO en ce qui concerne les comptes des banques et
institutions financières de l’UMOA.
5. Etats financiers intermédiaires : règles générales de Comptabilisation et évaluation
La norme IAS 34 donne les indications
suivantes sur les règles de comptabilisation et d’évaluation applicables lors d’un
arrêté intermédiaire. Ces règles sont pratiquement les mêmes dans nos
référentiels locaux.
– Utilisation des mêmes méthodes comptables que dans les états financiers annuels
Dans
ses états financiers intermédiaires, une entité doit appliquer des méthodes
comptables identiques à celles utilisées dans ses états financiers annuels,
sauf en ce qui concerne les changements de méthodes comptables postérieurs à la
date de clôture des états financiers annuels les plus récents, lesquels devront
être traduits dans les états financiers annuels de la période annuelle
suivante. Toutefois, la fréquence (annuelle, semestrielle ou trimestrielle) des
rapports financiers d’une entité ne doit pas affecter l’évaluation de ses
résultats annuels. Pour parvenir à cet objectif, les évaluations effectuées
pour les besoins de l’information intermédiaire doivent être faites sur une
base cumulée depuis le début de la période annuelle jusqu’à la date
intermédiaire.
– Produits perçus de façon saisonnière, cyclique ou occasionnelle
Les
produits des activités ordinaires qu’une entité perçoit de façon saisonnière,
cyclique ou occasionnelle pendant une période annuelle ne doivent être ni
anticipés, ni différés à une date intermédiaire s’il n’est pas approprié de les
anticiper ou de les différer à la fin de la période annuelle de l’entité.
– Coûts encourus de façon inégale au cours de la période annuelle
Les
coûts qu’une entité encourt de façon inégale durant la période annuelle doivent
être anticipés ou différés à une date intermédiaire si, et seulement si, il est
approprié d’anticiper ou de différer ce type de coûts à la fin de la période annuelle.
– Utilisation d’estimations
Les
procédures d’évaluation à adopter pour l’établissement d’un rapport financier
intermédiaire doivent être conçues de telle sorte que les informations en
résultant soient fiables et que toutes les informations financières
significatives pertinentes pour la compréhension de la situation financière ou
de la performance de l’entité soient fournies de manière appropriée. Alors que
les évaluations effectuées tant dans les rapports annuels que dans les rapports
intermédiaires reposent souvent sur des estimations raisonnables, la
préparation des rapports financiers intermédiaires impose en général de
recourir davantage à des méthodes d’estimation que celle des rapports
financiers annuels.
6. La publication des Etats financiers intermédiaires : Quelles modalités ?
– Délai
Les normes internationales ne prévoient pas de délai de publication.
Le Syscohada non plus. Cependant, le Plan comptable bancaire de l’UMOA prévoit un
délai de deux mois suivant la fin du semestre.
En interne, lorsque la production des dits états provient de la
volonté des dirigeants, il faudrait les rendre disponibles le plus tôt possible
pour les besoin de prise de décisions.
– Destinataires
L’information financière est destinée d’abord aux investisseurs
surtout quand il s’agit de comptes intermédiaires. Elle ne présente par contre
aucun n’intérêt particulier pour le service des impôts.
Pour le secteur financier, elle présente un intérêt particulier pour
les organes de régulation et de contrôle/supervision (BCEAO, commission
bancaire,…).
Pour conclure, nous dirons que toute entreprise devrait opter pour des arrêtés intermédiaires car cela permet d’identifier assez tôt les soucis financiers et aide le management à prendre des mesures idoines avant la clôture de l’exercice. Les arrêtés intermédiaires donnent également une meilleure image de l’entreprise vis-à-vis des tiers qui ont besoin d’informations régulières sur la situation financière des entités qui les intéresse. Enfin, cela fait partie des bonnes pratiques en matière de communication financière reconnues au niveau international. Le pratiquer, c’est prouver à tous qu’on a un système d’information comptable et financière de qualité, s’approchant des standards internationaux.